Article rédigé par Yamina Bouchamma, Marc Basque et Marc Giguère.
Le projet « Les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) et les communautés de pratiques virtuelles (eCoP) pour l’amélioration des écoles » a été subventionné par le Conseil de Recherches en Sciences Humaines(CRSH) pour les années 2018 à 2021.
Les membres et les organismes suivants ont été impliqués dans cette recherche-action :
- Yamina Bouchamma, Ph.D. professeur titulaire à l’Université Laval, chercheure principale;
- Marc Basque, Ph.D. professeur agrégé à l’Université de Moncton, co-chercheur;
- Carl Ouellet, président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE);
- Marc Giguère, consultant en éducation.
Nos premiers travaux ont permis d’actualiser la démarche méthodologique, l’échéancier de
travail et le plan d’actions pour atteindre les objectifs de la recherche-action.
Nous avons choisi d’utiliser le terme eCoP pour Communautés de Pratiques Virtuelles vu son usage fréquent en technologies de l’information et des communications et en formation sur le Web. Nous reconnaissons que plusieurs autres termes étaient possibles, notamment en anglais, OCoP (Online Community of Practice) ou VCoP (Virtual Community of Practice) ou encore en français CPV (Communauté de Pratiques Virtuelle).
Cette recherche-action visait les objectifs suivants:
Objectif général :
Accompagner des directions d’écoles, en rencontres virtuelles, pour l’instauration et l’accompagnement des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) dans leur établissement.
Objectifs spécifiques :
Par des rencontres virtuelles,
- Assurer le développement professionnel de ces directions d’écoles en regard de l’instauration et de l’accompagnement des membres des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) dans leur école.
- Former les directions concernées afin qu’ils agissent comme des leaders dans la mise en place et le fonctionnement des CAP de leur école.
- Assurer aux enseignants et enseignantes qui travaillent dans les CAP de ces écoles, de se développer professionnellement et d’augmenter ainsi la qualité de leur enseignement et la réussite de leurs élèves.
Démarche réalisée :
2018-2019 :
Dans un premier temps, Carl Ouellet, président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE), a lancé l’invitation aux membres de son association professionnelle afin de recruter des directions intéressées à participer à des rencontres virtuelles et à échanger, avec des pairs, sur les CAP de leur école.
Préparatifs pour l’instauration des eCoP
Suite à l’appel de l’AQPDE, nous avons alors retenu dix-huit directions et directions adjointes comme membres de notre eCoP. Ils étaient principalement du niveau primaire et quelques-uns du niveau secondaire de différentes commissions scolaires (centres de service scolaires) de la province. Nous avons fait parvenir à ces membres notre volume intitulé « Communautés d’apprentissage professionnelles : Profil et compétences des directions d’établissement d’enseignement » et nous leur avons demandé de commencer à le parcourir.
Les membres de l’eCoP ont eu à répondre à un questionnaire portant sur leurs besoins en formation à l’égard des CAP, ce qui nous a permis de les répertorier et ainsi les utiliser comme thèmes d’échanges lors des rencontres virtuelles.
Parallèlement, l’équipe a retenu l’application Zoom et élaboré un document concernant la procédure explicitant son utilisation.
Première rencontre virtuelle (identification des besoins) :
Essentiellement, cette première rencontre a permis de se présenter mutuellement, de se familiariser avec Zoom, de finaliser les besoins d’échanges à l’égard des CAP, de déterminer les besoins de formation et le matériel nécessaire au fonctionnement des rencontres.
Rencontres virtuelles en eCoP :
Nous avons tenu six autres rencontres en mode hybride : virtuelle et présentielle dans les locaux de l’AQPDE pour les membres qui pouvaient se déplacer. Les échanges entre les membres ont porté sur différents sujets issus des besoins formulés par les directions. Aussi des capsules de formation leur ont été données sur les sujets suivants : retour sur les concepts d’une CAP (les caractéristiques, le fonctionnement, les stades d’évolution, etc…), les techniques d’animation, la motivation du personnel, le lien des CAP avec le projet éducatif, la cueillette et le traitement des données.
Entrevues (évaluation du projet) :
À la fin de la première année du projet, chaque membre a répondu à une entrevue téléphonique menée par une intervenante extérieure à l’équipe du projet, dans le but de faire le bilan des sept rencontres et de recevoir leurs recommandations pour l’année 2019-2020.
2019-2020 :
Rencontres virtuelles en eCoP :
La deuxième année a continué avec sept rencontres virtuelles. Chaque direction s’est engagée à présenter une CAP de son école, plus précisément concernant l’implantation de celle-ci, la formation donnée au personnel de la CAP, les stratégies utilisées, les règles de fonctionnement appliquées et la présentation du matériel produit par les membres.
À mi-chemin de l’année, les membres ont manifesté leur intérêt pour les expériences de directions d’autres provinces en termes d’accompagnement des CAP. Ainsi, trois directions d’écoles primaires francophones, l’une de l’Ontario, l’une du Nouveau-Brunswick et une autre de l’Alberta, ont présenté les pratiques de leurs CAP.
Entrevues (évaluation du projet) :
Lors de la dernière rencontre, les membres ont été amenés à se prononcer sur les rencontres de l’année. Aussi, chaque membre a participé individuellement à une entrevue téléphonique menée par une intervenante extérieure à l’équipe de recherche, pour évaluer les résultats de l’ensemble du projet pour l’année scolaire 2019-2020.
Résultats obtenus par la recherche-action:
Au niveau des eCoP :
La durée des rencontres virtuelles a été appréciée : chaque rencontre était d’une durée de 90 minutes comprenant 60 minutes d’échanges entre les membres et 30 minutes de formation sur des sujets choisis par les directions.
Ces rencontres ont permis aux membres de partager et de discuter de leurs pratiques dans l’instauration et le développement de leur CAP. Ils ont abordé les sujets suivants : les règles de fonctionnement de leur CAP, les techniques d’animation qu’ils utilisaient, le matériel pédagogique élaboré par les membres de leur CAP, les stratégies d’implantation qu’ils mettaient de l’avant, les pratiques gagnantes de leur CAP et les façons d’évaluer les résultats des travaux de leur CAP.
Toutes les directions de la dernière cohorte furent unanimes quant aux bienfaits des eCoP sur leur développent professionnel entre pairs et leur formation à l’égard du fonctionnement des CAP. Les échanges ont permis à des directions de trouver des réponses à leur questionnement ou à des problématiques vécues dans leur école.
Au terme de celles-ci, ils ont précisé que cette formation et ces échanges en rencontres virtuelles leur permettront de développer les CAP de leur école et d’offrir aux membres, un meilleur soutien.
M. Pierre Drouin, directeur de l’école primaire du Tournesol du Centre de services scolaire des Appalaches à Thetford Mines.
Les membres ont mentionné aussi plusieurs façons afin de réussir la mise en place d’une CAP et d’assurer son bon fonctionnement :
- instaurer une culture collaborative dans leur école;
- partir avec des volontaires qui veulent travailler en CAP;
- adopter, dès le départ, des règles de fonctionnement simples, claires et précises et de les appliquer tout au long du fonctionnement des CAP;
- assurer une bonne animation de leurs rencontres, surtout au début du fonctionnement de la CAP et la confier à un membre lorsqu’elle devient plus autonome;
- partager le matériel élaboré par les membres de la CAP;
- mettre le focus sur un sujet précis, se donner un objectif réaliste.
Notons enfin que les sujets présentés et discutés par leurs CAP respectives portaient surtout sur la lecture et l’écriture, mais aussi sur la résolution de problèmes en mathématiques et la gestion des comportements des élèves
Mme Carole Chabot, directrice de l’école primaire de la Marelle du Centre de services scolaire Côte-du-Sud à Beaumont.
Les membres de l’eCoP ont entendu les témoignages de directions du primaire d’écoles francophones d’autres provinces : une de l’Ontario, l’autre du Nouveau-Brunswick et une dernière de l’Alberta, ce qui a amené notre eCoP à devenir une eCoP interprovinciale. Ces témoignages ont permis aux directions du Québec de constater des similitudes entre leurs CAP et celles qui leur ont été présentées. En quelques mots, ces rencontres furent très appréciées autant par nos membres que par les trois directions qui nous ont présenté leur témoignage.
Sommaire des entrevues faites avec les membres de l’eCoP 2019-2020 :
Ce que les membres de l’eCoP ont ressorti comme points forts :
Les rencontres virtuelles ont permis :
- de leur éviter des déplacements et ainsi d’économiser du temps;
- de les sortir de leur isolement, de voir ce qui se passe ailleurs, de faire du réseautage, de profiter de l’expérience de ceux qui sont plus avancés;
- de partager leurs expériences avec les pairs, ce qui les a incité à adopter de bonnes pratiques pour les CAP de leur école;
- de s’informer sur des pratiques d’accompagnement des CAP par des directions d’autres provinces;
- de se former et d’échanger sur la cueillette et le traitement des données probantes et de comprendre leur importance dans le processus;
- de s’informer sur les pratiques et le matériel utilisé par leurs pairs en matière de CAP;
- d’apprécier les expériences vécues dans d’autres écoles québécoises;
- de réaliser l’importance de travailler sur le climat de l’école afin de créer une culture collaborative et ce au niveau de toute l’équipe-école ou de l’équipe cycle ou de l’équipe degré, selon le cas.
- de promouvoir l’implication d’autres membres du personnel dans les CAP tels les orthopédagogues, les psychologues, les conseillers pédagogiques de discipline;
- d’encourager leurs enseignants, leurs enseignantes membres de leur CAP à utiliser plus les outils techno-pédagogiques.
Au niveau des CAP, les membres ont aussi reconnu :
- que ces rencontres en eCop leur ont fourni le développement professionnel nécessaire afin d’apporter un soutien approprié aux enseignants, enseignantes qui participaient aux CAP de leur école;
- la grande pertinence de l’étape « Cueillette et traitement des données »;
- l’importance que la CAP se dote de règles de fonctionnement simples et précises;
- le rôle essentiel de la direction comme leader de la démarche et de l’animation des CAP;
- que les enseignants, les enseignantes qui participent à des CAP, ont amélioré leur enseignement et que leurs élèves ont augmenté leur réussite scolaire.
Ce que les membres de l’eCoP ont ressorti comme points à améliorer :
- Il faudrait s’assurer que tous les membres s’expriment lors des rencontres virtuelles afin d’éviter que ce soient toujours les mêmes qui interviennent;
- Il serait important d’avoir à la fois des représentants des niveaux primaire et secondaire afin de partager des expériences des deux niveaux d’enseignement;
- Il serait avantageux que les rencontres se tiennent à des moments différents et pas toujours la même journée à la même heure et ce afin d’assurer une plus grande assiduité des membres.
En conclusion
Les membres de l’équipe de recherche ressortent les résultats suivants en tenant compte des objectifs fixés :
1 : les rencontres virtuelles eCoP sont un excellent moyen de développement professionnel et de formation continue des directions et des directions adjointes d’école. Au terme des rencontres virtuelles, chaque direction a augmenté ses compétences en matière d’instauration et d’accompagnement au niveau des CAP, comparativement à celles qu’elle possédait au début des rencontres;
2 : il est important d’utiliser une application informatique flexible avec des possibilités de travail individuel et de sous-groupes, d’enregistrer les rencontres, d’entreposer le matériel utilisé et produit par tous les membres de l’eCoP et de le rendre disponible;
3 : les CAP sont, selon toutes les directions participantes, un excellent moyen de développement professionnel et de formation pour les enseignants, les enseignantes qui y participent;
4 : toutes les directions de l’eCoP ont observé que les enseignants, les enseignantes qui participent à des CAP dans leur école ont amélioré leurs compétences dans le domaine travaillé et augmenté la qualité des services éducatifs à leurs élèves;
5 : d’autres pistes restent à approfondir, entre autres, il serait intéressant d’établir une corrélation entre le travail des enseignants, des enseignantes en CAP et la réussite scolaire de leurs élèves.
Références
Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) (2009). Outils pour la
mise en œuvre d’une communauté d’apprentissage professionnelle. Ensemble on réussit Ottawa, Canada, Gouvernement de l’Ontario.
Bouchamma, Y., Basque, M., Giguère, M. et April, D. (2019), Communautés d’Apprentissage
Professionnelles, profil et compétences des directions d’établissement d’enseignement. Québec, Canada, Presses de l’Université Laval.
Bouchamma, Y., April, D. et Basque, M. (2018). How to establish and develop communities of
practice to better collaborate. Canadian Journal of Educational Administration and Policy, no.187, 91-105.
CTREQ, Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec, (2019). http ://www.
ctreq.qc.ca/
Leclerc, M. (2012). Communauté d’apprentissage professionnelle. Guide à l’intention des
leaders scolaires. Québec, Canada, Presses de l’Université du Québec.
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2008). La formation à la gestion d’un
établissement d’enseignement : les orientations et les compétences professionnelles. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/reseau/formation_titularisation/07-00881.pdf
DuFour, R., DuFour, R., Eaker, R., Many, T. W. et Mattos, M. (2019). Apprendre par l’action :
manuel d’implantation des communautés d’apprentissage professionnelles (3e éd.). Québec, Canada, Presses de l’Université du Québec.
Wenger, E. (2005). La théorie des communautés de pratique : apprentissage, sens et identité
(2è tirage), adapté et traduit par F. Gervais. Québec, Canada, Presses de l’Université Laval.